1 introduction

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1. Introduction.  

1.1. La décision dont nous demandons l’annulation.

La France permet actuellement la mise en circulation de véhicules pouvant dépasser la vitesse maximale autorisée sur nos routes. Ce simple fait apparaît déjà en soi comme une aberration, puisque le surcroît de vitesse ainsi permis est dépourvu de toute utilité. Mais dès lors que les véhicules concernés accroissent de manière certaine le risque d'accidents corporels, cette autorisation constitue une mise en danger inutile de la vie des usagers de la route, qui n'est conforme ni aux principes fondamentaux de notre droit ni aux dispositions spécifiques du code de la route.

C'est pourquoi l’APIVIR (Association pour l’interdiction des véhicules inutilement rapides) a demandé au ministre des Transports, dans une lettre en date du 3 mai (pièce n° 1), reçue le 4 mai, « de faire cesser cette situation en fixant par la voie réglementaire la date à partir de laquelle il sera interdit de délivrer des documents administratifs permettant de mettre en circulation un véhicule dont la vitesse maximale dépasse la valeur la plus élevée autorisée sur nos routes, c’est-à-dire 130 km/h », sans se prononcer sur les modalités précises de cette interdiction, qui relèvent de sa responsabilité.

Par lettre en date du 1er juillet 2004 (pièce n° 2), reçue par l’APIVIR le 2 juillet 2004, le ministre a apporté à notre demande une réponse qui doit être interprétée comme une décision de rejet.

Le ministre indique en effet que « la réglementation technique n'est concevable juridiquement et ne semble efficace politiquement que dans le cadre de l'Union européenne » et que « ce cadre est incontournable pour les catégories de véhicules qui font l'objet d'une réception communautaire ».

Par ces phrases, il signifie que selon lui, notre demande ne peut être satisfaite qu’au niveau européen. Mais il s’empresse d’ajouter que selon lui l'évolution majeure envisageable au niveau européen est « l'obligation du limiteur de vitesse modulable sur les voitures particulières ».

Il convient de préciser que cette dernière mesure, qui n’est de toute façon pas prise, n’éliminerait nullement le risque que fait courir aux usagers de la route la mise en circulation pouvant dépasser la vitesse maximale autorisée sur nos routes et ne peut donc pas être considérée comme une solution alternative à celle que nous lui avons demandé de prendre.

Si le tribunal en venait à considérer que la réponse du ministre n’est pas une décision de rejet explicite mais une simple réponse d’attente, il devrait considérer qu’une décision implicite de rejet de notre demande est intervenue le 4 juillet 2004 et que notre requête est dirigée contre cette décision.

1.2. Les motifs de notre demande.

Avant de discuter l’illégalité de la décision du ministre, il convient d’emblée de préciser les motifs de notre action.

La requête que nous présentons a pour but de prévenir le risque d’accident lié à la circulation de véhicules inutilement rapides, en supprimant la délivrance de documents administratifs permettant leur mise en circulation.

Le risque étant indissociable de l’activité humaine, notre démarche n’a pas pour objectif de supprimer le risque lié à l’usage d’une voiture. Un tel objectif ne pourrait être atteint en l’état actuel que par un renoncement à une forme de liberté de se déplacer individuellement dans des conditions reconnues comme avantageuses par l’ensemble de la population.

Cependant, l’amélioration de la sécurité routière obtenue par un contrôle accru du respect des limitations de vitesse depuis un an et demi prouve une nouvelle fois, s’il en était besoin, que les milliers de morts sur les routes ne sont pas la contrepartie inévitable de la liberté de se déplacer avec des moyens individuels. Des mesures réglementaires simples permettraient encore, si elles étaient prises, de diminuer considérablement la mortalité routière.

Le respect des règles est une nécessité: il doit être garanti par des contrôles, mais il doit aussi être facilité par une action préventive en amont. L’usager ne doit pas être le seul à assurer le respect des limitations de vitesse, il doit disposer de véhicules conçus pour lui faciliter la tâche, et éventuellement pour le contraindre à respecter la limite la plus élevée s’il n’a pas la volonté de le faire.

Limiter la vitesse maximale des voitures à la construction ne serait somme toute que la mise en application des principes généraux de prévention validés dans le domaine de la sécurité au travail. Au terme de l'article  L 230-2 du code du travail, l'employeur doit notamment:

       « Combattre les risques à la source »,

       « Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux » et

       « Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ».

Un employeur a le devoir de fournir à ses employés des instruments capables d’assurer la meilleure sécurité possible. Il ne peut se décharger sur ses employés de la responsabilité d’assurer leur sécurité si l’outil peut par sa conception et les sécurités qu’il comporte supprimer une forme de risque. L’entreprise a en matière de sécurité une obligation de résultats qui a été précisée récemment par des jurisprudences concernant le risque lié à l’usage de l’amiante.

La situation est identique sur la route : une voiture est un instrument utilisé par un usager, et ses performances maximales doivent être accordées aux vitesses maximales autorisées par la réglementation, elles mêmes destinées à interdire la prise de risques inutiles.

Comment peut-on autoriser la mise en circulation de véhicules pouvant rouler à 250 km/h quand on sait que la vitesse maximale autorisée sur nos routes est de 130 km/h, que ces véhicules sont responsables de centaines de morts chaque année et que la limitation de la vitesse des véhicules à la construction est une mesure simple, d’un coût négligeable, sans contrepartie négative et déjà en vigueur pour certaines catégories de véhicules ?

Les experts en sécurité routière demandent depuis longtemps l’application de cette mesure. L’opinion publique y est largement favorable. Les responsables conviennent qu’il faudrait la prendre et multiplient les déclarations d’intention, mais au moment de passer à l’acte, ils tergiversent.

Devant une telle carence, il est du devoir des citoyens d’agir pour faire respecter la loi et prévaloir les impératifs de santé publique. Le risque étant avéré et évitable par des mesures efficaces et raisonnables, il y a lieu de demander au juge administratif de juger que l’Etat a l’obligation de supprimer ce risque.

Notre action n’est pas symbolique : au-delà du respect d’un ensemble de textes fondamentaux ou spécifiques de la sécurité routière et de l’environnement, notre démarche concerne la première cause de mortalité des jeunes adultes.

Choisir de ne pas limiter la vitesse des véhicules à la construction, c’est faire le choix de la mort ou du handicap à vie de centaines de personnes chaque année, sans que rien ne vienne justifier ce choix. Seul le fait que les personnes qui décéderont ne soient pas désignées d’avance, permet à une telle situation de perdurer.

1.3. L’illégalité de la décision.

L’illégalité de la décision du ministre sera démontrée dans la suite de ce mémoire. Les principaux éléments de notre argumentaire peuvent être résumés comme suit. 

La mise en circulation de véhicules dont les caractéristiques permettent de dépasser la vitesse maximale autorisée sur nos routes constitue une violation des dispositions législatives du code de la route visant à assurer la sécurité des usagers (article L 311-1) à minimiser la consommation d’énergie et à protéger l’environnement (article L 318-1) doublée d’une erreur manifeste d’appréciation du risque réel encouru.

 Cette mise en circulation est en effet une invitation gratuite à enfreindre la loi qui provoque chaque année le décès de nombreuses personnes ainsi qu’une augmentation de la pollution, sans apporter aucun bénéfice.

 Nous présentons dans la section 3 des exemples des principaux types d’accidents provoqués par le dépassement de la vitesse maximale de 130 km/h. Puis nous analysons en détail dans la section 4 le surrisque engendré par l’usage de véhicules inutilement rapides, qui ne se limite pas, loin de là, aux accidents survenant une vitesse supérieure à 130 km/h. L’ensemble des données disponibles sur le risque routier en France, notamment celles des assureurs, permet d’affirmer qu’il s’agit d’un surrisque très important, qui se mesure en centaines de décès par an. Il s’agit à l’évidence d’une situation de péril grave. 

 Nous montrons dans la section 7 qu’il peut être mis fin à cette situation par une mesure simple, l’obligation d’installer des limiteurs de vitesse à la construction, déjà mise en œuvre avec succès pour les poids lourds, que cette mesure est nécessaire car aucune autre mesure n’est susceptible de produire le même effet, qu’elle n’a pas de contrepartie négative, qu’elle ne présente aucune difficulté technique de mise en œuvre, que son coût est négligeable et qu’en outre, elle a des effets bénéfiques complémentaires, notamment économiques et environnementaux.

 L’existence d’obligations légales et d’un péril grave auquel il peut être mis fin par une mesure simple et sans inconvénient fait peser sur le gouvernement une obligation d’agir.

 Dans sa réponse, le ministre ne conteste bien évidemment ni l’existence du péril ni la nécessité de la mesure que nous lui demandons de prendre, mais renvoie seulement la prise de décision au niveau européen.

 Nous montrons à la section 8 que cet argument ne peut être retenu. En effet, il n’existe pas actuellement de directive européenne visant à harmoniser la sécurité routière et dans ces conditions il appartient, selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice Européenne, à chacun des États membres de décider du niveau auquel il entend assurer cette sécurité.